Autour de l’univers des mangas, se sont créées de larges communautés de fans. Ces derniers sont souvent impatients de lire, en avant-première, les derniers tomes de leur série préférée parus au Japon. Cette passion donne naissance à un phénomène que l’on appelle « scantrad« , qui consiste à traduire soi-même les mangas avant leur sortie.
Envie d’en savoir plus sur cette pratique qui touche l’univers des mangas ? Voici tout ce qu’il faut savoir dans cet article.
Sommaire
C’est quoi le scantrad ?
Le scantrad est une pratique amateure consistant à numériser, traduire puis diffuser une œuvre issue d’une langue étrangère.
Une fois réalisés, les scantrad sont mis à disposition du public sur des sites internet ou sous la forme de fichiers images à télécharger. Dans la majorité des cas, l’auteur ou les ayants-droits ne sont pas impliqués, rendant cette pratique controversée et souvent associée à du piratage.
Ce terme fait principalement référence aux bandes dessinées japonaises (mangas) pour lesquelles il existe une importante communauté de fans éditant des titres de mangas traduits depuis leur version originale japonaise. Cette pratique existe aussi pour d’autres types d’œuvres, comme les manhua chinois et les manhwa coréens.
Le terme scantrad est un portemanteau des termes scan (numériser en anglais) et traduction. Il est fréquent également de parler de scanlation.
Voir aussi : Qu’est-ce qu’un manga shōnen ?
Quand est-ce que cette pratique a vu le jour ?
Le scantrad a commencé à petite échelle dans les années 1970, mais s’est réellement développé avec l’essor d’internet à partir des années 1990. À cette époque, l’industrie du manga était peu distribuée en Europe et le scantrad permettait d’assouvir un manque d’offre pour les fans de BD japonaises. Cette pratique s’est d’autant plus développée que les lecteurs de mangas sont généralement jeunes et technophiles, ils ont moins de freins à la lecture d’ouvrages dématérialisés.
Le scantrad est-il légal ?
Le scantrad est illégal, car il est réalisé sans l’autorisation des auteurs ou des ayants-droits. Entrant en violation du droit d’auteur du Code de la Propriété Intellectuelle, la pratique est juridiquement assimilée à du piratage.
Voici cette vidéo intéressante pour creuser cette question en vidéo :
Comment sont réalisés les scantrads ?
Le scantrad est une pratique réalisée par des amateurs. Bien qu’assez simple, elle est souvent réalisée par des groupes structurés dans lesquels les membres se répartissent différents rôles.
Le scan de l’œuvre originale
Tout d’abord, un membre du groupe doit mettre la main sur un exemplaire original de l’œuvre à traduire. Cette personne, appelée « fournisseur de données brutes », retire soigneusement les pages concernées et les scanne à très haute définition.
L’ensemble des images obtenues sont alors regroupées dans un fichier d’archive envoyé aux autres membres du groupe de scantrad.
Le nettoyage de l’œuvre
Cette étape consiste à retirer l’ensemble des textes en langue originale de chaque page. Cela peut se réaliser via des logiciels d’édition graphique comme Photoshop. Si effacer les textes au sein des bulles est facile, certains textes chevauchent parfois les dessins, amenant le nettoyeur à appliquer des modifications mineures aux illustrations.
Si la modification nécessaire est plus importante, alors le groupe peut faire appel à un redessinateur qui va combler les espaces vides laissés par le texte effacé.
La plupart des mangas publiés dans les magazines sont imprimés en monochrome, mais généralement sur du papier semblable au papier journal. Ceci peut leur donner un aspect grisâtre ou de couleur pastel, que le nettoyeur et le redessinateur vont rectifier afin de les convertir en véritables noir et blanc.
La traduction des textes
Généralement en même temps que le travail des nettoyeurs, le traducteur travaille à l’adaptation de tous les textes du japonais vers la langue cible. La traduction est habituellement effectuée par une seule personne qui parle la langue originale (japonais, chinois ou coréen). Dans les scantrads de mauvaise qualité, les traductions peuvent être effectuées via des logiciels comme Google Traduction.
Un relecteur est parfois en charge de relire les scripts traduits afin de corriger les erreurs de traduction et les problèmes de style. D’autres révisions rudimentaires peuvent être effectuées par le(s) compositeur(s).
Dans le cas du japonais, la connaissance de la langue est souvent un pré-requis pour effectuer la traduction. Cependant, il est fréquent que les traductions se fassent à partir d’une autre langue, suite à un premier scantrad. Par exemple, un scantrad en français peut très bien être la traduction d’un scantrad en anglais déjà traduit depuis le japonais.
L’insertion des textes dans l’œuvre
Un typographe ou compositeur va insérer les textes fournis par le traducteur au sein des pages de manga nettoyées.
La diffusion du scantrad
Une fois finalisé, le scantrad va être partagé en consultation sur des sites internet, via des liens de téléchargement, en peer-to-peer ou par d’autres canaux de distribution sur internet.
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Pourquoi ce phénomène de piratage des mangas ?
De nombreuses explications sont avancées par les réalisateurs de scantrad :
- La mauvaise qualité des traductions officielles ;
- Le délai de sortie de ces traductions officielles ;
- La non-disponibilité de certains mangas sur certains marchés ;
- La censure.
Quelle est la position des éditeurs face au scantrad ?
Au départ, le scantrad a eu le mérite de donner de la visibilité à la culture japonaise et à ses mangas. Cependant, les enjeux commerciaux sont devenus colossaux, et désormais les éditeurs essayent de lutter activement contre ce phénomène.
Différents types de de scantards
Tous les sites et groupe des scantrads ne sont cependant pas tous à mettre dans le même panier. Les maisons d’édition distinguent deux approches très différentes :
- Les groupes de fans loyaux et honnêtes, avec une démarche de « fanzinart » qui prennent soin de supprimer tout scantrad une fois l’œuvre disponible à la vente localement ;
- Les sites qui industrialisent cette pratique. Ils siphonnent les réalisations des groupes de scantrad et en profitent pour générer des revenus publicitaires, sans se soucier de la diffusion d’œuvres pourtant disponibles légalement. Bien souvent localisés à l’étranger, ils sont difficiles à endiguer.
Quelles actions juridiques de la part des éditeurs ?
Les éditeurs français essayent d’agir. Lorsqu’ils découvrent des versions piratées sur internet, ils envoient des injonctions juridiques :
- Si la personne est située en France, alors elle peut retirer le contenu avant que la plainte ne finisse au tribunal ;
- SI la personne est située à l’étranger, c’est plus compliqué, et il est généralement impossible de donner des suites juridiques.
La Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) est également concernée. Elle tente d’appuyer les éditeurs pour demander aux régies publicitaires (Google, Facebook…) et de paiement (Paypal, Visa…) de ne plus coopérer avec ces sites.
Des sorties de mangas plus rapides
La pratique du scantrad n’est d’ailleurs pas obligatoirement négative pour les ventes de mangas papier. En effet, il est fréquent que les fans ayant lue la version numérique « piratée » souhaitent acquérir la version physique une fois sortie en France. Le scantrad est néanmoins un vrai frein pour le développement d’une offre dématérialisée et légale de mangas.
Afin d’endiguer ce problème, les éditeurs cherchent désormais à réduire le délai entre la parution au Japon et la version traduite en France. Mais le scantrad reste difficile à empêcher : certains tomes sont piratés avant même leur sortie au Japon !